Y-a-t- il d'autres solutions ?

Des solutions durables pour les déchets radioactifs

L’énergie nucléaire peut être utile dans la bataille engagée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais nombreux sont ceux qui estiment que la production de déchets nucléaires pèse plus lourd que cet aspect positif. Il s’agit donc de persuader un public souvent réticent que, compte tenu des nouvelles techniques de stockage des déchets, l’énergie nucléaire mérite qu’on lui donne une chance dans l’intérêt du développement durable.

L’énergie nucléaire ne produit pas de gaz de combustion polluants de sorte que, tout comme les sources d’énergie renouvelables, elle pourrait apporter une contribution déterminante aux efforts de réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre et à l’action entreprise pour contrecarrer le réchauffement de la planète eu égard, en particulier, à la croissance de la demande d’électricité dans les années à venir. La confiance du public dans l’énergie nucléaire a été ébranlée par les accidents de Tchernobyl et de Three Mile Island, mais ce type de risque a énormément diminué grâce à l’amélioration de la sûreté des installations. Aujourd’hui, ce sont les déchets radioactifs qui, dans l’énergie nucléaire, sont perçus comme une source de problèmes pour l’environnement. Or, les solutions existent, en particulier celle de l’enfouissement des déchets à une grande profondeur, connue sous le nom de stockage en formation géologique. Ne reste plus que le problème de convaincre le public de sa sûreté et de sa fiabilité.

Les déchets radioactifs sont un produit inévitable de l’utilisation des rayonnements ionisants à des fins diverses : médecine nucléaire (radiodiagnostic et radiothérapie), industrie (prospection de nouveaux gisements de pétrole ou production de matières plastiques), agro-alimentaire (en particulier la conservation des aliments) ou, bien sûr, production d’électricité. Les déchets radioactifs provenant de cette dernière représentent moins de 1 % de l’ensemble des déchets toxiques produits dans les pays dotés d’un programme électronucléaire sachant, toutefois, qu’ils sont de loin les plus radioactifs.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, tous les déchets nucléaires à vie courte et de faible et moyenne activité, toutes sources confondues, sont stockés dans des dépôts de surface ou souterrains sûrs pour l’homme et l’environnement aussi longtemps que les déchets restent radioactifs. Ces déchets, qui représentent 90 % de la totalité des déchets radioactifs, sont conditionnés et stockés dans des installations isolées de l’environnement par des barrières ouvragées. Les déchets de haute activité et à vie longue sont, en revanche, d’abord placés pendant plusieurs décennies dans des installations d’entreposage soumises à des conditions sévères de sécurité. Ensuite, on envisage habituellement de les transférer dans une installation de stockage définitif. Il n’y a aucune raison économique, technique ou environnementale qui nous oblige dans l’immédiat à accélérer la construction d’installations de stockage définitif pour les déchets radioactifs. Pourtant, sous l’angle du développement durable – et si nous ne voulons pas reporter sur les générations futures la charge de trouver une solution permanente – l’entreposage temporaire ne constitue pas de toute évidence une solution satisfaisante.

La solution à long terme que les spécialistes préfèrent aujourd’hui consiste à placer les déchets dans des formations géologiques profondes (-500 mètres) et stables (granit, argile, tuf et sel) n’ayant subi pour ainsi dire aucune modification pendant des millions d’années. L’objectif est de s’assurer que ces déchets resteront en l’état pendant les quelques milliers d’années indispensables à la décroissance de leur radioactivité jusqu’à un niveau où ils ne présenteront plus de danger pour les générations futures. Le concept de ce stockage à grande profondeur est vieux de plus de 40 ans, et la technologie de construction et d’exploitation de ces dépôts est suffisamment au point pour être mise en oeuvre. En règle générale, la sécurité naturelle de la formation géologique choisie est augmentée par des mesures de précaution complémentaires. Les déchets sont conditionnés sous forme de blocs de verre par exemple, puis placés dans des conteneurs résistants à la corrosion ; les espaces entre les colis de déchets sont comblés avec de l’argile très pure et imperméable, et le dépôt peut être consolidé par des structures en béton. Ces barrières successives se renforcent mutuellement et assurent ensemble le confinement à très long terme des déchets. Ces déchets peuvent être facilement récupérés pendant la phase initiale d’existence du dépôt ainsi que pendant les phases ultérieures, mais moyennant des coûts plus élevés. Les générations futures sont donc libres de choisir de changer de stratégie de gestion des déchets s’ils le souhaitent.

Les dépôts sont conçus de manière à empêcher toute remontée de radioactivité à la surface de la terre. Conformément au principe de précaution, des évaluations de l’impact sur l’environnement couvrant 10 000 ans analysent les scénarios les plus défavorables, dont les changements climatiques et géologiques et l’intrusion humaine accidentelle. Ces évaluations montrent que, même dans ces conditions, il en résulterait pour l’homme et pour l’environnement des expositions inférieures aux limites réglementaires, qui elles-mêmes sont plus faibles que la radioactivité naturelle.

La sûreté du stockage en formation géologique a été démontrée dans la nature. Jusqu’il y a environ deux milliards d’années, un réacteur naturel modéré par des écoulements d’eau naturels a fonctionné par intermittence pendant des millions d’années dans un dépôt de minerai d’uranium dans le sous-sol gabonais en Afrique. Pendant tout ce temps, les matières produites par la réaction de fission nucléaire n’ont pour ainsi dire pas bougé de leur emplacement d’origine. La première installation de stockage aménagée par l’homme dans une formation géologique pour recevoir des déchets à vie longue a été mise en service au Nouveau-Mexique aux États-Unis en mars 1999 et fournira donc une expérience industrielle. Une autre solution partielle envisageable consiste à réduire la masse des déchets de haute activité et à vie longue grâce à une technique connue sous le nom de partition et transmutation. Il s’agit d’isoler les transuraniens et les radionucléides à vie longue présents dans les déchets et à les transformer par bombardement neutronique en d’autres éléments non radioactifs ou en éléments ayant une période de vie plus courte que les premiers. Certains pays ont mis cette solution à l’étude, mais elle n’est pas encore tout à fait au point. Il est difficile de savoir pour l’instant si la technique de partition et transmutation sera un jour disponible à l’échelle industrielle, car non seulement elle est extrêmement coûteuse, mais elle rend la manipulation et le retraitement du combustible plus difficile, avec des effets possibles sur la sûreté.

Le coût est un aspect capital de la gestion des déchets radioactifs dans une perspective de développement durable. Si l’industrie nucléaire ne mettait pas de côté les fonds indispensables, les générations futures devraient assumer l’énorme charge financière que représentent le démantèlement des centrales et le stockage des déchets radioactifs. Dans les pays de l’OCDE, les coûts de démantèlement des centrales nucléaires et de gestion des déchets à vie longue sont déjà comptabilisés dans les coûts de production de l’électricité et facturés aux consommateurs finals ; en d’autres termes, ces coûts sont internalisés. Bien qu’ils soient très élevés en termes absolus, ils ne représentent qu’une petite proportion, en fait moins de 5 %, du coût total de la production de l’énergie nucléaire.

Le stockage en formation géologique profonde permet aux générations actuelles de progresser sans faire peser pour autant un fardeau sur les générations futures. La faiblesse de ce concept réside dans le fait qu’en dépit de sa solidité technique, il n’est que rarement accepté par la société et les politiques. Il ne s’agit pas tant de fournir des informations que de comprendre les mécanismes qui régissent les perceptions sociales du risque. Bien des facteurs influent sur cette perception : connaissance de la technologie, degré d’incertitude, niveau de contrôle, inquiétude suscitée par les conséquences, crédibilité des institutions, processus de décision et idées et valeurs des populations concernées.

Répondre aux préoccupations du public et négocier des solutions acceptables est une mission d’envergure. Il convient de mettre en place petit à petit un processus de prise de décision auquel tous les groupes concernés pourront participer. Les pouvoirs publics joueront un rôle déterminant dans la définition de ce processus et devront être une source d’informations objectives. Ils devront, en outre, mobiliser des moyens suffisants pour amener le public à se fier aux solutions scientifiques proposées.

Cynthia Picot, Responsable des Publications, AEN, Hans Riotte, Division de la Gestion des Déchets Radioactifs, AEN, Jorge Lang-Lenton Léon, Directeur de la Communication, ENRESA (Espagne) Agence de l'OCDE pour l'energie nucléaire (AEN)

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